MAUI PART A LA RECHERCHE DE SES PARENTS.

A partir de ce soir-là, Maui fut le favori de sa mère: même s'il faisait des bêtises, elle ne le grondait pas. Quand ses frères protestaient,
 il se moquait d'eux parce qu'il savait avoir la protection de sa mère. Mais pendant son absence, il devait faire attention à ne pas dépasser
 les limites, sinon il risquait d'être puni par eux au cours de la journée.

Une nuit, Maui imagina un tour à jouer à sa mère afin de découvrir où elle allait. Une fois tous les autres endormis sur leurs nattes, 
il se releva et fit le tour de la maison, examinant les grands stores tressés qui la fermaient pour la nuit. Partout où filtrait la clarté 
d'une étoile, il bouchait vite l'ouverture avec des étoffes d'écorce et calfeutrait même les fentes avec des roseaux. Puis il déroba le manteau, 
la ceinture et la couronne de sa mère et les cacha en se disant qu'il en aurait besoin plus tard.

Maui reprit alors sa place sur les nattes et décida de rester éveillé. La longue nuit passa lentement sans que sa mère ne bouge.
Quand vint le matin, pas un rai de lumière ne put percer pour éveiller les dormeurs. Bientôt ce fut l'heure où le soleil grimpait au-dessus 
de l'horizon. D'habitude Maui pouvait distinguer dans la pénombre les formes des pieds de ses frères à l'autre bout de la maison,
 mais ce matin il faisait trop noir. Et sa mère continuait à dormir.

Au bout d'un moment elle bougea et marmonna: "Quelle sorte de nuit est-ce donc pour durer si longtemps ?" Mais elle se rendormit parce qu'il
 faisait aussi noir qu'au coeur de la nuit dans la maison.

Finalement elle se réveilla en sursaut et se mit à chercher ses vêtements. Courant de tous côtés, elle arracha ce que Maui avait fourré dans
 les fentes. Mais c'était le jour! Le grand jour! Le soleil était déjà haut dans le ciel ! Elle s'empara d'un morceau de tapa pour se couvrir et
 se sauva de la maison, en pleurant à la pensée d'avoir été ainsi trompée par ses propres enfants.

Sa mère partie, Maui bondit près du store qui se balançait encore de son passage et regarda par l'ouverture. Il vit qu'elle était déjà loin, sur la 
première pente de la montagne. Puis elle s'arrêta, saisit à pleines mains un arbuste de tiare Tahiti, le souleva d'un coup: un trou apparut,
 elle s'y engouffra et remit le buisson en place comme avant.

Maui jaillit de la maison aussi vite qu'il put, escalada la pente abrupte, trébuchant et tombant sur les mains car il gardait les yeux fixés sur 
l'arbuste de tiare. Il l'atteignit finalement, le souleva et découvrit une belle caverne spacieuse qui s'enfonçait dans la montagne.

Plus tard, tandis que ses frères étaient très affairés à se baigner dans le frais ruisseau et à chercher un fruit de l'arbre à pain à se mettre 
sous la dent, Maui les questionna: "Où croyez-vous donc que notre père et notre mère passent la journée ?"

-"Comment le saurions-nous ? Et pourquoi te tracasses-tu avec ça ? Tu ne peux donc pas vivre tranquillement avec nous ? Que nous importe notre 
père ou notre mère ? Est-ce qu'elle nous a élevés avec de la bonne nourriture ? Pas du tout: elle était toujours partie.
 Peut-être bien que le grand Ta'aroa, dieu du ciel, est notre père et qu'il a envoyé ses enfants ici-bas pour s'occuper de nous! Niu-Hiti,
 la douce brise qui rafraîchit la terre et les jeunes plantes; Hau-Ri'i, le vent humide qui les mouille; Hau-Roto-Roto, le beau temps qui les fait
 pousser; Tou-Ari'i, le dieu de la pluie qui les arrose, et son frère, Ti-Ari'i, qui les nourrit de ses rosées. 
Ta'aroa a envoyé toute sa famille pour permettre à notre nourriture de pousser.
 Ensuite Papa, la grande déesse mère de la terre, a fait germer ses graines pour nous tous qui sommes ses enfants."

-"Mais oui, bien sûr", leur répondit le petit Maui, "tout ce que vous dites est vrai. C'est même encore plus vrai pour moi que pour vous,
 parce que c'est la mer qui a été ma nourrice et ses bouillonnements d'écume mon lait. Vous, vous avez été nourris au lait de notre mère
 avant de pouvoir manger d'autres nourritures. Mais moi, ô mes frères, je n'ai jamais tété son sein, ni rien mangé de sa main.
 Et pourtant je l'aime pour l'unique raison qu'elle m'a porté en elle, et c'est parce que je l'aime que je souffre de ne pas savoir où elle
 se trouve avec mon père."

Ses frères se sentirent surpris et charmés par le petit Maui quand ils l'entendirent parler de cette façon. Après avoir réfléchi un moment à
 ce qu'il avait dit, ils l'approuvèrent et l'encouragèrent à tenter de trouver leur père et leur mère.

Maui ne se tint plus de joie. Il se mit tout de suite à faire la magie dont il savait avoir besoin pour pénétrer dans la caverne sous l'arbuste
 de tiare et trouver son chemin souterrain dans l'autre monde. Il allait devoir voyager vite et il décida de se changer en oiseau.
 Il ne savait pas quel oiseau choisir. Il pensa bien sûr au noha, le pétrel qui niche dans un terrier de la montagne, mais il le jugea trop
 gros. Il se fit maho, marouette fuligineuse, mais ses frères pensèrent qu'il était trop petit et pas joli. Puis il devint otaha, grande
 frégate noire, mais ils trouvèrent effrayante cette créature aux ailes plus longues que leurs bras. Alors il essaya un oiseau après l'autre, 
le 'uriri, petit chevalier voyageur à la voix claire et hardie, le tarapapa, hirondelle de mer bruyante à la voix gutturale, le kivi, courlis
 chasseur des petits crabes rouges, au long bec courbé comme un manche d'outil, le otu'u, aigrette sacrée qui tangue sur ses hautes échasses, 
le torea, pluvier doré, puis le a'o, fou brun, et le ua'ao, fou à pieds rouges, trop comiques, et puis le itata'e tout blanc et le oa tout brun,
 jusqu'à ce qu'il ait pris l'apparence de tous les oiseaux du monde, tour à tour. Enfin il se changea en pigeon vert.